jeudi 4 avril 2013

De la négation de l'oppression et des privilèges



Avant de commencer, il est important de savoir d'où je parle :

Je suis un homme, blanc, hétéro, cis-genre et physiquement valide, j'ai un toit et mes parents peuvent encore me soutenir financièrement.
Cette situation me confère un statut de privilégié par rapport à n'importe quelle personne qui ne bénéficie pas de tous ces avantages.
Ceci étant, mon statut de privilégié ne m'empêche pas de subir l'oppression de la part d'autres groupes sociaux qui bénéficient de privilèges dont je ne dispose pas (richesse, pouvoir décisionnel, culture, études...).  Il est donc important de savoir que je parle en mon nom et que je ne peux absolument pas me permettre de nier une oppression que je ne subis pas de par mon statut de privilégié.

Quand j'étais au collège, un camarade de classe m'a dit : "Tes parents sont profs, non ? Donc ils sont riches !".
J'avais trouvé l'affirmation ridicule, et j'avais jugé le garçon avec tout le mépris que méritait son commentaire (du moins, c'est ce que je pensais à l'époque). Pourtant, maintenant, en réfléchissant un peu, je suis obligé de reconnaitre qu'il avait raison : mes parents, par rapport aux siens, étaient RICHES. Je bénéficiais de privilèges et j'avais donc plus de chances que lui de m'en sortir.

Sur le féminisme, (puisque le sujet fait du bruit sur la toile, en ce moment suite à l'article de Mar Lard sur le sexisme geek), il y a peu de temps, je pensais à peu près comme tout le monde, à savoir :
"Le combat pour l'égalité, c'est bien, mais c'est pas la peine d'agresser et de voir le sexisme partout."
(dixit un mec qui ne bougeait pas de son fauteuil).
Pour les gens qui pensent ça, essayez juste de remplacer le mot sexisme par un autre qui vous touche plus, par exemple si vous êtes immigré, descendant d'immigré ou juste pas blanc, voilà ce que ça peut donner :
"Le combat pour l'égalité, c'est bien, mais c'est pas la peine d'agresser et de voir du racisme partout".
Vous saisissez le problème, là ? Les gens qui ne subissent pas le quart de ce que vous subissez vous disent que vous avez tort d'y voir une injustice. La plupart du temps, ces gens sont de bonne foi, ils croient ce qu'ils disent, ça peut être votre famille, vos amis, vos profs, etc..
La différence avec vous, c'est que ces gens ne sont pas à votre place, sont donc ignorants à ce sujet et qu'ils n'écoutent pas votre avis.

Je suis moi même dans le domaine de la psychiatrie, mais je ne fais pas d'études dans ce secteur et je ne bosse pas non plus dedans. Non. Je suis Le Patient, celui qui n'a pas droit à la parole.


Pourquoi ? Parce que je suis le dernier barreau de l'échelle décisionnelle, il n'y a personne en dessous de moi.
D'ailleurs, petit aparté, j'ai réussi à éviter l’hôpital psychiatrique, et au début, mes amis qui me parlaient de l'HP, je ne les croyais pas. Ils étaient trop impliqués émotionnellement dans leur histoire pour être objectif. Mais devant la multiplicité des témoignages, j'ai dû me rendre à l'évidence :
L'HP ne soigne pas (j'y reviendrais peut être dans un article complet sur la psychiatrie).

Je disais donc que je n'ai pas de pouvoir décisionnel, je ne peux donner d'ordre à personne et certainement pas obliger mes supérieurs hiérarchiques à m'obéir (oui, en tant que patients, vous n'êtes pas les subordonnés des infirmiers/éducateurs, mais eux sont vos supérieurs).


Un infirmier m'a dit récemment que eux étaient mes serviteurs. j'aurais pu rire devant l'énormité proférée avec l'aplomb du type qui pense détenir la vérité, mais son utilisation plus que fréquente m'a découragé.
On n'est d'accord que la servitude, ça implique l'obéissance, non ?
Eh bien, les infirmiers/éducateurs (je cite les infirmiers et éducateurs, mais ça s'applique à toute autorité) ne m'obéissent pas. Je dois leur obéir et si je dis non, ils peuvent me sanctionner.
On pourrait me rétorquer que s'il fait une faute, je peux le sanctionner en le dénonçant à son supérieur hiérarchique. C'est vrai mais encore une fois, ça ne dépends pas de moi mais de la bonne volonté et de l'écoute du supérieur, parce que je n'ai pas de pouvoir décisionnel, je suis obligé de passer par un autre pour que mes droits soient respectés.

Il est toujours possible de nier une oppression. il y a deux méthodes à ma connaissance :

- dire que le dominé n'est pas objectif et ne comprends pas tout (pour résumer, le dominé est con, il a besoin qu'on lui explique).
- faire passer le dominé pour un dominant et le dominant pour un dominé. Pour l'exemple, on peut affirmer que les féministes agressent les hommes (en oubliant que leur indignation est légitime) en questionnant leurs privilèges et que de toute façon, on les entend trop. Mais, chers "amis" masculinistes, on ne vous entend pas vous ?

Ça me fait tout de même assez rigoler quand Soral prétend qu'on l'empêche de s'exprimer.
Et pourtant, ce type a un éditeur, il est lu, ses vidéos sur le net sont beaucoup regardées. Allez voir juste une vidéo youtube réellement féministe comme un interview de Virginie Despentes par exemple, il y a beaucoup moins de vue. Si vous comparez les commentaires des vidéos féministes avec beaucoup de vue comme celles d'Anita Sarkeesian, les commentaires sont rarement élogieux, il y a beaucoup d'insultes (elles s'est tellement fait insulter qu'elle a fermé les commentaires mais les connards continuent à la parodier de manières vulgaire et stupide).
Soral, au contraire bénéficie d'un soutien inconditionnel, quoi qu'il dise, et chaque critique construite et intelligente se verra rabaissée et silenciée. Pourtant, si on compare le discours d'Eric Zemmour et d'Alain Soral sur la femme et l'immigration, on repère les mêmes arguments fallacieux (féminisation de la société, islamisation..).




L'argument du politiquement correct est une excellente excuse pour s'empêcher de réfléchir.
On voit souvent des gens dire :"Moi, je suis honnête, je dis ce que je pense".
Je suis, à titre personnel, très inquiet d'une société qui privilégie les opinions à la réalité.

Récemment, pour couper court à une discussion où je remettais des idées en cause, on m'a dit qu'il y avait plusieurs vérités (et qu'elles se valaient toutes).
J'ai vraiment besoin d'expliquer à quel point cette affirmation est stupide ? Oui ? Bon, d'accord.
En gros, ça reviens à dire que la Réalité est subjective, que selon l'endroit où on se place, elle est différente.
Eh bien, non, c'est faux. La réalité n'est pas subjective. La vision qu'on en a l'est, mais la réalité est ce qu'elle est.
Elle est ce qu'elle est parce que nous vivons dans un monde de causes et de conséquences.
Si je crois que je sais voler avec mes bras et que je me jette du toit pour voler, bah je vais m'écraser, aussi fort qu'est ma croyance dans mes capacités de voler, ma foi ne suffit pas à plier l'univers à ma volonté.
Vous me direz qu'il faut être stupide pour essayer de voler sans engin volant;
Oui, c'est stupide, mais si je crois que je peux voler c'est parce que je ne sais pas que je ne peux pas.
Et bien pour les oppressions, c'est pareil, si vous ne savez pas que quand on oppresse quelqu'un on lui fait du mal, vous êtes ignorant. Et c'est pas une tare, moi même, il y a beaucoup de choses que je ne sais pas.
Ce qui est une tare, par contre c'est de croire qu'on sait tout, de ne pas être curieux et de ne pas être à l'écoute des gens qui sont curieux et qui ont cherché à comprendre.
Quand je dis à des gens (que j'aime souvent, parce que sinon, je ne me casserais pas le cul à essayer de leur faire comprendre) qu'ils ne réfléchissent pas, on me dit que je méprise les gens ignorants.
Non, c'est faux, ça serait dégueulasse parce que l'ignorance n'est pas de notre fait. L’absence de curiosité, par contre, oui, j'ai beaucoup de mal, parce que c'est de la paresse intellectuelle. Qu'on n'ait ni le temps, ni l'énergie pour se documenter, je le conçois très bien, mais l’absence de curiosité et d'écoute...

Le pire étant ceux qui nient l'oppression qu'eux même subissent. J'ai du mal à imaginer quelqu'un qui subit se dire que c'est normal de subir et de ne rien avoir en retour, et pourtant c'est un sentiment fréquent.
Les gens défendent ce système alors qu'il les brise.
N'y aurait-il pas un problème au niveau du dress.. hum je veux dire de l'éducation, quand malgré le fait que l’expérience contredise sa validité, l'humain est incapable de la remettre en cause ?


EDIT : Je souhaitais apporter une précision sur la curiosité. J'estimais que le manque de curiosité, c'était de la responsabilité des gens. En fait non. Ça dépends de leur statut social. La curiosité, c'est un apprentissage, ça demande du temps et de l'énergie. Et quelqu'un qui travaille beaucoup n'a pas vraiment ni le temps, ni l'énergie pour l'apprendre.


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Pour aller plus loin :

l'article de Liberté (égalité) fraternité sur le privilège masculin : http://kraackers.wordpress.com/2012/08/26/privileges/

King Kong Theory de Virginie Despentes

Silver et sa célèbre note sur l'homophobie de la manif pour tous (manif de la honte)

l'autre blog de Tanxxx

"Economie politique du Geek" de Denis Colombi agrégé de sciences sociales, professeur de sciences économiques et sociales, doctorant en sociologie sur son blog :

http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2013/03/economie-politique-du-geek.html



Il me manque beaucoup d'exemples de livres qui font réfléchir sur la question, si vous en avez en tête, je suis partant.
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je voudrais remercier Cédric Mélac (pour la correction des fautes), Aaron Angeldust (pour la mise en page), Melange instable (son blog est super) qui m'a aidé pour le début de la correction et Koala qui a accepté de m'aider mais n'a pas pu à cause de soucis de santé (c'est juste un prétexte pour mettre un lien vers son blog)
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Ah oui, très important, vous pouvez laisser des commentaires mais le sujet étant sensible, si je vois une insulte, je vire alors pas la peine de crier à la censure, vous êtes prévenus. le débat est accepté à condition que ça reste respectueux. Et si les commentaires ne marchent pas. cliquez dans contact, y a mon adresse mail.

EDIT 2 : c'est assez marrant, rétrospectivement, de voir que je me définissais comme mec cis et hétéro alors que visiblement, c'est absolument pas le cas.

No Future ? Future is now !


              
 Cette année, on a un projet personnel à rendre, j'ai eu quelques soucis l'an dernier, donc je fais tout cette année. Et je viens de finir la première partie (l'analyse). 
           J'ai pas choisi un thème facile facile mais celui ci me passionnait. 
        Et vous ? Vous connaissez le cyberpunk ?